En Haïti, le RES accompagne depuis plusieurs années la communauté éducative de Port-au-Prince autour d’initiatives pour la promotion de la santé et du bien-être à l’école, l’éducation à la protection sociale et la mobilisation communautaire.
Paysage éducatif en Haïti
Au sein du système scolaire haïtien, ce sont les écoles privées qui occupent une place prépondérante, questionnant ainsi la qualité de l’enseignement fourni et la marchandisation de l’éducation. Alors que la Constitution haïtienne de 1987 stipule que « L’Etat garantit le droit à l’éducation », seules 8% des écoles fondamentales et 9.5 % des établissements secondaires sont publics[1].
La situation sanitaire dans les établissements scolaires est également un facteur impactant la qualité de l’éducation. Seules 26,5 % des écoles disposent d’installations en eau, les autres ont recours à d’autres moyens pour accéder à l’eau, vont se fournir à un point d’eau public ou ne disposent pas du tout d’accès à l’eau. 90% des établissements disposent de toilettes, mais ils ne sont fonctionnels que dans 60% des écoles. Au total, un toilette fonctionnel est disponible pour 128 élèves[2].
Selon une enquête[3] réalisée en collaboration avec le RES dans un lycée de la Communauté éducative de Port-au-Prince (CEPAP), 98% des élèves interrogés déclarent l’absence de points d’eau pour boire, 74% déclarent l’absence de séparations des blocs sanitaires et 80% ont déclaré s’être déjà sentis en insécurité dans les toilettes.
L’insécurité dans les établissements scolaires est également prégnante dans les quartiers difficiles et constitue une entrave au bon fonctionnement du système éducatif haïtien.
2011-2014 : Programme Collectif pour le Développement de l’Education et du Dialogue Social en Haiti I
En 2011, Solidarité Laïque, associée à 10 organisations de la société civile haïtienne et française dont le RES, et avec le soutien de l’Agence Française de Développement, a lancé la première phase du Programme Collectif pour le Développement de l’Education et du Dialogue Social (PROCEDH I).
L’objectif général de ce programme était de promouvoir une éducation de qualité en Haïti en mobilisant les acteurs de la société civile (syndicats et associations d’enseignant·e·s, parents d’élèves, élèves, etc.). En renforçant la place et le rôle de ces différents acteurs, le PROCEDH I visait la redynamisation de communautés éducatives et leur mobilisation dans l’élaboration des politiques éducatives.
Les deux objectifs spécifiques suivants ont été poursuivis :
- Mobiliser, appuyer et renforcer la société civile à l’échelle nationale pour améliorer les conditions d’exercice du personnel de l’éducation et promouvoir le dialogue social ;
- Participer à l’amélioration de l’éducation au niveau territorial par une action concertée pluri-acteurs.
Afin d’atteindre les objectifs précédemment cités, les actions menées se sont articulées autour de cinq champs thématiques :
- Éducation formelle : 12 conseiller·ère·s pédagogiques ont été formé·e·s, 47 directeur·rice·s d’établissements ont suivi une formation en gestion administrative et budgétaire, 2 centres de formation professionnelle ont reçu un accompagnement administratif ;
- Éducation populaire : formation d’animateur·rice·s, production d’un référentiel de la fonction d’animateur·rice, réalisation de projets éducatifs dans des jumelages pédagogiques ;
- Éducation à la santé : activités de sensibilisation à l’hygiène et d’éducation à la sexualité dans un collège de Guyane et des lycées de Port-Au-Prince ;
- Protection sociale : Réalisation d’une épreuve pilote de formation d’éducation à la protection sociale dans 2 lycées de Port-Au-Prince (près de 80 élèves concernés et 8 enseignants formés) ;
- Dialogue social : création et renforcement de 10 mini-réseaux composés d’acteurs de la société civile, et diffusion d’une plaquette de défense et promotion de la profession enseignante
Place du RES
Le RES a contribué à plusieurs initiatives de sensibilisation à la protection sociale et à la solidarité en organisant des échanges internationaux, des formations et des ateliers. Il s’est notamment chargé de la coordination d’un axe de travail portant sur la protection sociale articulé autour de deux actions :
- La sensibilisation et mobilisation autour de la protection sociale santé des professionnels de l’éducation, qui s’est effectuée grâce au CNEH, l’UNNOH et le FENATEC, 3 syndicats haïtiens membres de l’Internationale de l’Education.
- Le programme pilote d’éducation à la protection sociale pour des jeunes de l’enseignement secondaire, réalisé en partenariat avec le Centre Interaméricain d’Etudes de la Sécurité Sociale (CIESS).
2014-2017 : PROCEDH II
Les actions initiées dans le cadre du PROCEDH I, déclinées en divers champs thématiques (éducation formelle, éducation populaire, éducation à la santé, protection sociale et dialogue social), ont été poursuivies et approfondies tout au long des trois années de la deuxième phase du programme.
En février 2015, une mission a été organisée en Haïti où se sont rendus des représentants du SNES/FSU et de la MGEN. Cette mission a permis la rencontre entre les partenaires français et haïtiens au sein du comité de pilotage où une nouvelle thématique a émergé : l’éducation au développement durable et la solidarité internationale.
Afin de consolider la place des syndicats enseignants, un Guide syndical unitaire (voir ci-joint) a été réalisé par l’ensemble des syndicats enseignants haïtiens avec le soutien du syndicat français FSU. Le guide est conçu comme un outil permettant aux enseignant·e·s de s’informer et donc de défendre leurs droits. Il comporte, entre autres, des éléments sur les droits en matière de santé et de protection sociale dont disposent les enseignant·e·s mais qui sont ne sont, dans les faits, pas ou partiellement garantis. Le guide cite l’article 22 de la Constitution « L’Etat reconnaît le droit de tout citoyen à un logement décent, à l’éducation, à l’alimentation et à la sécurité sociale » et le compare à la réalité : « Dans la réalité, les droits sociaux élémentaires ne sont pas complètement garantis. Les soins médicaux existent mais ne fonctionnent pas bien. Le remboursement de ces soins est très lent, voire inexistant. ».
Le renforcement du rôle des syndicats s’est également illustré par un appui à leurs actions de plaidoyer en faveur des droits des enseignants, de l’engagement des acteurs institutionnels sur les questions éducatives et de l’augmentation des moyens financiers à l’éducation publique
Des communautés éducatives ont été mises en place. Elles regroupent des institutions publiques, des syndicats, des associations. Elles ont mené des actions sur leur territoire en fonction des besoins identifiés : travaux de réhabilitation et d’assainissement dans les écoles, formations, etc.
Place du RES
Dans la seconde phase du PROCEDH, le RES a accompagné ses partenaires dans ses activités de promotion de la santé à l’école. Il a notamment contribué à l’élaboration et la passation d’une enquête sur l’utilisation et la perception des sanitaires.
Une formation de formateurs en éducation à la santé en milieu scolaire a été organisée fin mai 2017 avec la collaboration du Ministère de la Santé Publique et de la Direction de la Santé Scolaire haïtiens, rassemblant une trentaine de participants, enseignants pour la plupart. Ces derniers ont pu aborder les différents concepts et enjeux inhérents à l’éducation et la promotion à la santé en milieu scolaire ainsi que la méthodologie de projet.
Une mission du RES été organisée au mois de juin 2017 avec la participation d’Annie CHARRON d’UNIRéS (le réseau des universités pour l’éducation à la santé). Cette mission avait pour objectifs principaux d’accompagner les membres de la communauté éducative de Port-au-Prince (CEPAP) au lancement des comités pilotes d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à la protection sociale (CESCPS) au sein de 6 établissements participants (2 lycées et 4 écoles municipales) et de participer aux missions de terrain auprès des autres communautés éducatives du programme ainsi qu’au comité de pilotage franco-haïtien du PROCEDH.
Les 15 et le 16 juin, le RES et UNIRéS ont animé deux journées de séminaire avec les membres des CESCPS. Au programme : un photoformation autour du concept de santé, une réflexion sur le concept de promotion à la santé, des travaux de groupe sur les obstacles et les leviers à la mise en œuvre des CESCPS en Haïti, etc.
Ces comités regroupent plusieurs représentants de la communauté éducative (élèves, parents, enseignants, direction, personnel de soutien, etc.) et ont pour objectif de piloter la politique de promotion de la santé au sein de établissements. Au cours des activités menées par ces comités, quatre thématiques prioritaires, qui constituent autant d’axes autour desquels agir, ont été identifiées et seront au cœur des démarches des CESCPS : l’hygiène, le genre, l’éducation à la vie affective et sexuelle et le bien-être.
Cette première mission du RES en Haïti fut une belle réussite grâce à la mobilisation de nos partenaires haïtiens ainsi que de Solidarité Laïque et d’UNIRéS.
[1] Guide syndical unitaire, CNEH, FENATEC, UNNOH
[2] Direction de la santé à l’école, Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle
[3] Résultats de l’enquête menée sur les sanitaires du Lycée Fritz Pierre Louis, CEPAP