De la crise sanitaire à la crise éducative : les élèves et les personnels de l’éducation face au Covid-19

Education and Solidarity Network
14 avril 2020

1,5 milliard d’élèves privés de lieux d’apprentissage. 63 millions d’éducateurs affectés dans l’exercice de leur profession. A l’échelle mondiale, la crise sanitaire s’est doublée d’une crise éducative. Quelles sont les enjeux mis en lumière par la fermeture des espaces d’éducation ? Comment la communauté éducative internationale répond-elle à la crise ?

1,5 milliard d’élèves privés de lieux d’apprentissage. 63 millions d’éducateurs affectés dans l’exercice de leur profession. A l’échelle mondiale, la crise sanitaire s’est doublée d’une crise éducative. Quelles sont les enjeux mis en lumière par la fermeture des espaces d’éducation ? Comment la communauté éducative internationale répond-elle à la crise ?

Besoins nutritionnels, perte de revenus : la crise du covid aggrave les inégalités

Si les perturbations provoquées par la fermeture des lieux d’éducation affectent toutes les populations de par le monde, les conséquences sont particulièrement graves pour les apprenant∙e∙s de milieux économiquement défavorisés. Pour des millions d’entre eux, l’école est le seul lieu garantissant l’accès à des services sociaux fondamentaux, tels les repas ou les soins de première nécessité. Une vulnérabilité renforcée par le fait que pour nombre de parents, les mesures de confinement ont entrainé la perte de leur emploi et l’impossibilité de sortir de chez eux pour subvenir aux besoins de leurs familles. De plus, pour Stefania Giannini, sous-directrice générale pour l’éducation auprès de l’UNESCO, « les difficultés augmenteront de manière exponentielle si les fermetures d’écoles se prolongent ».

Les personnels de l’éducation sont au premier plan des aides aux élèves les plus durement affectés, en témoignent les actions entreprises par les communautés éducatives compilées sur la plateforme de l’Internationale de l’Éducation dédiée aux réponses face au Covid-19.

En Palestine, la Fédération des syndicats des professeur∙e∙s et employé.e.s d’université (PFUUPE) a invité ses membres à offrir une journée de salaire aux familles des élèves les plus démunies. Même initiative au Maroc où les syndicats se sont accordés pour inciter les travailleur∙euse∙s de l’éducation à faire un don de l’équivalent de trois jours de salaire auprès du fonds de solidarité contre le COVID-19 créé pour l’occasion.

D’autres ont entrepris d’aller directement à la rencontre des enfants dans le besoin. Les professeurs de la Fédération nationale des enseignants du secondaire de l’Uruguay (FeNaPES), ont programmé une distribution de nourriture pour les élèves de leurs localités. Des enseignant·e·s ont ainsi été à l’initiative d’une opération de soupe populaire qui a démarré le 25 mars dernier et devrait avoir lieu trois fois par semaine.  

Une démarche poussée par les syndicalistes de l’éducation du Costa Rica, qui ont porté leur action devant les autorités publiques. Une proposition a ainsi été présentée au ministère de l’Éducation afin de faire livrer des colis alimentaires aux familles des élèves bénéficiaires des cantines scolaires. Un projet ayant pour but de réduire le gaspillage alimentaire tout en soutenant les familles nécessiteuses.

Fermetures scolaires : un risque de décrochage scolaire massif post-crise

Cette pandémie provoque pour l’ensemble des apprenant·e·s les plus marginalisé·e·s, un véritable risque de recul dans l’apprentissage pendant la période de confinement et après le retour à la normale.

Si des dispositifs en ligne ont émergé pour assurer la continuité de l’apprentissage des étudiant·e·s, la fermeture des écoles tend à renforcer les inégalités. Les élèves favorisé·e·s ont souvent un meilleur accès à ces outils et bénéficient d’un soutien familial permettant d’avoir un cadre de travail stable. Pour les étudiant·e·s défavorisé·e·s, le manque de matériel technique et de suivi pédagogique peut aggraver le retard scolaire et créer à terme un risque de décrochage scolaire.

La fermeture prolongée des écoles est encore plus grave dans les pays en développement, puisqu’elle s’accompagne bien souvent d’une augmentation du taux de déscolarisation des élèves les plus vulnérables. Les catastrophes précédentes, comme l’épidémie d’Ebola l’ont prouvé : ces événements pèsent lourdement sur les familles devant supporter le coût de la maladie, de l’insalubrité et de la disparition de leurs proches. Les conséquences constatées pendant et après ces crises sont psychologiques mais aussi d’ordre économique, empêchant un bon nombre d’apprenant·e·s de retourner en classe une fois les écoles réouvertes.

Si ce phénomène pèse sur les communautés à plusieurs niveaux, les filles sont globalement les plus durement impactées. Lorsque les ressources viennent à être limitées par une pénurie, les filles sont contraintes de quitter l’école avant les garçons. Elaine Unterhalter, Professeure d’éducation et de développement international à l’Institut d’éducation de Londres, constate que le travail des filles est souvent indispensable à la survie des familles. Des rapports d’organisations internationales sur les sécheresses en Afrique de l’Est ont d’ailleurs montré que les filles ont tendance à être déscolarisées plus jeunes pour être données en mariage et assurer un revenu.

Effets sur la santé et la précarité des travailleurs de l’éducation

Plus de 63 millions de travailleur·euse·s de l’éducation rencontrent actuellement de grandes difficultés suite à l’altération de leur activité par les mesures confinement. Si certains sont en capacité d’assurer une continuité partielle de leur enseignement depuis leurs domiciles via les outils et plateformes numériques, beaucoup n’ont ni les compétences, ni les moyens matériels et infrastructurels pour pouvoir administrer leurs cours. Pour celles et ceux devant continuer à se rendre sur leurs lieux de travail pour assurer la garde des enfants des personnels indispensables, de nombreux syndicats dénoncent l’insuffisance des moyens de protection mis à leur disposition, mettant à risque leur santé et à celle de leurs proches.

L’Internationale de l’Education soulève le problème posé par la crise pour le statut des agents ayant des contrats précaires, informels et temporaires. Un affaiblissement des revenus, une suspension des salaires voire des licenciements pourraient être à craindre massivement si les autorités ne parviennent pas à anticiper les effets de la pandémie sur les personnels. Aussi, au Japon le syndicat enseignant est en étroite collaboration avec le Ministère National de l’Éducation et le Parlement afin d’établir des solutions actives. Une nouvelle loi pour lutter contre l’impact de la pandémie sur les travailleur·euse·s de l’éducation a déjà été adoptée et une aide économique spéciale est prévue d’ici peu pour compenser les pertes subies.

Face à cette crise aux multiples facettes dont la fin est incertaine mais les effets immédiats, les gouvernements du monde entier doivent s’engager et garantir les conditions d’enseignement et d’apprentissage sûrs et de qualité pour toutes et tous. Pour relever ce défi, il est essentiel que les autorités travaillent conjointement avec les syndicats de l’éducation et les acteurs de la société civile et de la solidarité pour mener des politiques nationales prenant en compte les liens entre l’éducation et la santé.

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