L’enseignement est souvent perçu comme un emploi auquel de nombreuses personnes aspirent et plusieurs sondages internationaux confirment que les enseignants apprécient leur rôle[1]. Une telle déclaration pourrait répondre à notre question et cet article pourrait prendre fin dès maintenant. Ce qui serait un bon exemple de l’arbre cachant la forêt. En réalité, apprécier l’enseignement ne signifie pas que cela permettra aux professionnels de l’enseignement de s’épanouir complétement chaque jour.
Tout en étant généralement heureux de leur qualité de vie, les professionnels de l’enseignement sont, en fait, soumis à plusieurs facteurs ayant un effet négatif sur leur vie professionnelle et personnelle, dont les principaux sont : le stress, le salaire, le manque de reconnaissance et l’équilibre vie professionnelle et personnelle.
Selon une enquête internationale effectuée par le Réseau Éducation et Solidarité en 2015[2], seulement 30 % des professionnels de l’enseignement interrogés ont déclaré être satisfaits par l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle. Ils considèrent cet équilibre comme le premier facteur ayant des répercussions sur leur bien-être et avec une grande incidence sur l’état de santé ressenti.
Le deuxième facteur majeur ayant des répercussions sur le bien-être des professionnels de l’enseignement est le stress. Une enquête au Royaume-Uni a montré que 81 % des professionnels de l’enseignement interrogés ont souffert d’une dépression, ont vécu de l’anxiété, ou ont été victimes de stress au travail tandis que près de 70 % des enseignants ont déjà envisagé de quitter leur profession à cause du stress[3]. Le syndicat britannique des enseignants NASUWT a même montré que 2 % de ses membres avaient déjà tenté de s’automutiler suite aux pressions professionnelles[4]. Les sources de stress sont nombreuses et bien connues : des classes difficiles, les relations avec les parents et la hiérarchie, l’augmentation des tâches administratives ou une charge de travail considérable.
Il existe plusieurs autres facteurs ayant des répercussions sur le niveau du bien-être des professionnels de l’enseignement : le manque de reconnaissance par la société – un professeur sur trois pense que l’enseignement n’est pas une profession valorisée dans la société[5]-, les faibles salaires ou le paiement tardif des salaires, les relations difficiles avec les collègues, les élèves et la hiérarchie, l’accès aux soins de santé ou le soutien de l’employeur et du syndicat.
Les conséquences sont multiples pour les professionnels de l’enseignement : absence, épuisement professionnel, afflictions physiques et psychologiques, diminution de la confiance en soi & de l’estime personnelle et détresse sociale. Les professionnels de l’enseignement ne sont bien sûr pas les seuls à être stressés et mis sous pression. Des générations d’employés laborieux d’autres secteurs, ont rencontré les mêmes problèmes. La différence peut être le fait que les professionnels de l’enseignement sont en contact avec des jeunes en devenir et qu’il y a un lien étroit entre leur santé et leur bien-être et le bien-être et la santé des élèves en classe. En général, la qualité de l’enseignement diminue considérablement lorsque les professionnels de l’enseignement sont malades ou anxieux.
Un enseignement de qualité requiert des écoles promotrices de santé pour les professionnels de l’enseignement et pour les élèves. Au Kenya, les élèves des écoles primaires perdent 11 % de l’année scolaire (20 jours d’école par an) en raison de la malaria[6]. Dans plusieurs pays, de plus en plus de jeunes filles quittent l’école en raison d’une grossesse à l’adolescence, ou parce que l’école n’est pas un endroit sûr pour elles. En Ouganda, par exemple, 78 % des filles à l’école primaire ont rapporté avoir subi des abus sexuels à l’école.
Des mesures comme une formation plus adaptée pour les futurs enseignants, plus de temps pour la planification et la préparation, une augmentation et meilleure allocation des ressources, une implication accrue des syndicats, l’aide psychologique ou un salaire équitable devraient être prises afin d’assurer des conditions d’enseignement et d’apprentissage correctes pour toutes les établissements d’enseignement, et de l’aide pour ceux qui en ont besoin.
La santé et le bien-être en milieu scolaire doivent non seulement être une priorité pour les ministères de l’éducation mais également pour les institutions internationales, les chefs d’établissement, les syndicats, les parents et la société en général.
Avec l’objectif de déployer des actions futures, la notion de bien-être des professionnels de l’enseignement doit être mieux évaluée et analysée. À cet égard, le Réseau de l’Éducation et de la Solidarité vient de lancer une enquête internationale sur les risques psychosociaux des professionnels de l’enseignement.
Le monde aura besoin de 69 millions de professionnels de l’enseignement d’ici 2030 afin de pouvoir dispenser un enseignement primaire et secondaire[7] à tous les enfants et il semble essentiel que tout le monde veille à ce que l’enseignement reste une profession que beaucoup convoitent et qui rend heureux.
[1] Réseau de l’éducation et de la solidarité, enquête Internationale sur les facteurs déterminants de la santé au travail dans le domaine scolaire, 2015
OCDE, Enquête Internationale sur les Enseignants, l’Enseignement et l’Apprentissage (TALIS), 2013
[2] Réseau de l’éducation et de la solidarité, enquête Internationale sur les facteurs déterminants de la santé au travail dans le domaine scolaire, 2015
[3] Milburn, Phillips, Simos, le Stress des Enseignants (Teacher Stress), 2012
[4] Huffington Post 13 09 2016 ‘High workloads are harming teachers’ mental health’ http://www.huffingtonpost.co.uk/chris-keates/teacher-mental-health_b_11987684.html
[5] OECD, Enquête Internationale sur les Enseignants, l’Enseignement et l’Apprentissage (TALIS), 2013
[6] L’enseignement primaire et sur le paludisme : une analyse transnationale sur les taux de redoublement et de réussite. Josselin Thuilliez. http://www.cairn-int.info/article-E_EDD_231_0167–malaria-and-primary-education-a.htm
[7] Institut de Statistique de l’UNESCO, Poser les bases pour mesurer l’objectif 4 de développement durable, 2016